ECONOMIE:

En 1807, un horloger du Connecticut. Eli Terry, s'engagea à fabriquer les rouages et assembler les mouvements de 4 000 horloges de parquet au prix dérisoire de 4 dollars pièce. L'acheteur se chargeait de la fabrication des boîtiers et de la commercialisation du produit. Les confrères de Terry pensèrent qu'il avait perdu l'esprit. Fabriquer une horloge était une opération complexe nécessitant des outils traditionnels: marteaux, scies, limes et perceuses. Même assisté d'un ou deux apprentis, un maître horloger ne pouvait fabriquer plus d'une vingtaine d'horloges par an, qu'il vendait 50 dollars pièce.
Terry était dans le métier depuis 15 ans; il le savait les techniques traditionnelles ne lui permettraient pas de fabriquer 400 horloges, encore moins 4 000, dans les trois ans qui lui étaient impartis. Mais il avait conçu un plan audacieux. Il se proposait d'utiliser des machines pour façonner les rouages de ses mouvements selon un modèle et un format standard. Il suffirait alors d'assembler les pièces interchangeables pour compléter les mouvements.

L'idée n'était pas neuve: un autre entrepreneur du Connecticut Eli Whitney, s'efforçait à partir d'une technique analogue de fabriquer 10 000 mousquets commandés par le gouvernement. Mais Terry était le premier à appliquer le concept à un produit de consommation.
Aidé par deux apprentis, Terry transforma un vieux moulin à blé. Au moyen d'un système d'arbres et de courroies, il relia la roue du moulin aux tours, scies et autres outils nécessaires à la fabrication des rouages. La production commença, et lors de la dernière année du contrat Eli et ses apprentis parvenaient à fabriquer en un jour davantage de mouvements que ne l'aurait fait en un an à la main le même nombre d'ouvriers. Grâce aux 3000 mouvements qu'il fabriqua au total cette année-là le contrat fut honoré. Pour la première fois de l'histoire peut-être, la fabrication en série d'un objet d'usage courant était devenue une réalité.
Terry, écrivit un historien, fut "le dernier des artisans et le premier des industriels".

Les industriels ignoraient leurs frais d'exploitation; ils ne se rendaient compte qu'en fin d'année, au moment de leur bilan, s'ils avaient ou non réalisé des bénéfices.

Andrew Carnegie, un immigrant venu d'Ecosse qui en 1872 devint sidérurgiste, court-circuitait les intermédiaires en combinant dans son entreprise toutes les phases de la production. Par une évaluation précise des données: matières premières, dépenses en énergie, nombre d'heures de travail et fiabilité du matériel, il détermina les coûts réels. Coûts qu'il parvint à réduire en investissant ses bénéfices dans de nouvelles machines chaque fois qu'il découvrait un modèle capable d'augmenter la productivité ou de diminuer la main-d'oeuvre. Il fit en un jour démolir un laminoir monté trois mois plus tôt quand il eut vent d'un nouveau modèle capable de restreindre ses prix de revient.
En moins de 28 ans, Carnegie abaissa de plus de trois quarts le coût de la fabrication de l'acier. En 1900, sa firme produisait à elle seule autant que l'ensemble de la sidérurgie britannique et en 12 ans, ses bénéfices s'étaient multipliés par vingt.

Au XXè siècle, les chefs d'entreprise américains ajoutèrent leurs innovations aux exploits d'hommes tels que Terry et Carnegie, tout particulièrement dans l'industrie automobile, qui avec le temps devint la plus importante du pays.
En 1901, Ransom Eli Olds, combina l'utilisation de pièces interchangeables avec une technique mise au point dans les abattoirs industriels, où les carcasses circulaient accrochées à des rails aériens au fur et à mesure de leur dépeçage.
Quatre ans plus tard, Henry Ford améliora le système Olds en fractionnant les opérations de la chaîne en une série de tâches plus petites et plus simples, chacune accomplie par un seul ouvrier avec une grande économie de gestes. Le montage de la première Ford T avait pris 12 heures 28 minutes; en 1914, Ford avait ramené ce délai à 93 minutes. Obsédé par la réduction des coûts, Henry Ford décida d'éliminer tout superflu; le client, disait-il, pouvait commander sa modèle T dans la teinte de son choix, "à condition que ce soit du noir".